Voilà
un titre qui nous ramène à une forme assez primaire des
classifications, mais il faut bien faire la part des choses.
Autrefois, lorsqu’un magicien entrait chez un marchand
d’articles de prestidigitation, c’était dans le but
d’acheter un accessoire secret qui pourrait l’aider à la réalisation
d’un effet. Ces accessoires étaient souvent réduits et n’étaient
pas montrés ouvertement lors de l’exécution du tour (comme le
faux pouce par exemple). Ces accessoires demandaient malgré tout
de l’entraînement et une certaine somme de travail pour
qu’ils soient utilisés correctement et permettent de donner une
vraie illusion.
Par la suite, les créateurs ont trouvé de
nouveaux procédés et ont développé des accessoires qui
pouvaient être utilisés plus ouvertement sans pour autant
qu’on en décèle le principe. Cette deuxième catégorie
d’accessoires demande moins de travail et plus de mise en scène,
je pense notamment aux bouteilles gigognes.
Puis
les magiciens sont devenus moins travailleurs et se sont mis à la
recherche, non pas d’un accessoire, mais d’un truc ! Un
truc qui puisse fonctionner seul, qui fasse le travail
automatiquement et soulage l’artiste d’un travail fastidieux
et le libère de l’entraînement quotidien. Et là, je pense aux
fameux pompons d’Ali Bongo. Qui parmi les magiciens et
les clowns ne les ont pas utilisés ?
On s’aperçoit que les magiciens par ce biais, ont réussi
à créer du matériel qui n’a aucune application logique,
aucune utilité. C’est précisément le cas des pompons !
Quelle serait le but de ce fameux tube aux quatre pompons ?
Bien sûr, le principe est génial et je rends hommage à son créateur,
mais franchement, que croyez-vous que penserait un plateau de
personnes ne connaissant rien à la prestidigitation
et qui verrait ce truc pour la première fois ?
Auraient-ils l’impression qu’un artiste actionne un mécanisme
ou auraient-ils l’impression d’assister à un effet magique ?
Je vous laisse réfléchir la-dessus…
Mais
nous pourrions pousser la réflexion un peu plus en avant. Car si
nous fabriquons maintenant des trucs qui remplacent
avantageusement (dans l’économie de travail) les accessoires,
nous devons être conscient que nous permettons au premier venu de
pouvoir les utiliser, de les divulguer (même sans le vouloir) et
très souvent de les saboter ! Quand on voit un célèbre
animateur de télévision réaliser minablement des tours dont le
principe repose sur un truc, que croyez-vous que pensent les
auditeurs ? Ils peuvent penser que puisque cet homme, qui
n’est pas du métier, les réalise, ça ne doit pas être bien
difficile à faire ! Entre nous, si on vous servait du caviar
dans un restaurant crapoteux et sans la présentation qu’on peut
en espérer, croyez-vous qu’il aurait le même goût ?
N’auriez-vous pas la sensation que ce met est devenu banal et
que finalement, puisqu’on peut en avoir aussi minablement présenté,
qu’il ne présente plus aucun intérêt ? Je vous laisse réfléchir
également la-dessus…
Nous
avons tous le même défaut, nous cherchons la facilité et les
trucs que nous fournissent ceux qui pensent pour nous ne sont pas
forcément adaptés au public. Pour s’en convaincre, il suffit
de regarder les numéros de nos concours nationaux et de comparer
le jugement des magiciens avec celui du public ! Oh, il y
aurait beaucoup à dire sur les concours, mais ça, je vous le réserve
pour un prochain numéro.
En
conclusion, je vais faire hurler les marchands de trucs, mais ce
sont eux qui mettent sur le marché les trucs qui feront dire à
tout acheteur de quelques tours : « Je suis magicien et
je vais faire des spectacles pour Noël »…Allez, je vous
laisse réfléchir la-dessus, mais c’est la dernière fois !
Didier
Laurini
